Le paradoxe tue-t-il le système ou l’enrichit-il ?

Par: Axelle dans Sans Catégorie Posté: il y a 8 ans

Le paradoxe tue-t-il le système ou l’enrichit-il ?

Source : http://www.mcxapc.org

Par Evelyne BIAUSSER, Conseil en Organisation auprès de la Fonction Publique Territoriale, Enseignante en Communication, GRH, Epistémologie.

evelyne.biausser@laposte.net

 

Résumé :

Dans un premier temps, j’énoncerai les différents paradoxes auxquels sont confrontés les décisionnaires dans le monde du travail, comme autant d’injonctions contraires, se traduisant par des divorces cognitifs ou éthiques, et composant un environnement organisationnel chaotique.

Comment en effet fonctionner entre urgence et construction, entre créativité et censure, entre linéarité et discontinuité du temps comme des intentions, entre implication et destructuration, entre moralité et tricherie, entre cohérence et deconnexion de la réalité, entre muthos et logos, entre permanence et mobilité interne, entre décidabilité et indécidabilité ? 

Comment enfin faire coïncider l’hélice humaniste et l’hélice du pouvoir ?

Comment continuer à véhiculer des valeurs parmi des structures qui ne les respectent pas ?

 

Pour ne citer que quelques manifestations du paradoxe...

Dans une deuxième partie, en m’appuyant sur le paradigme de la Pensée complexe, je recenserai les attitudes nouvelles et favorables pour mieux fonctionner dans ce chaos. Je citerai notamment la subsidiarité, la complexification, la modélisation, la reliance, la stratégie tâtonnante, la contextualisation... toutes formes de pensée rompant avec le cartésianisme et le positivisme, qui s’apparentent désormais plutôt à des mécanismes de défense d’un système passé ne pouvant plus répondre aux questions qu’il a engendrées. En conclusion, j’inviterai le lecteur à traiter le paradoxe comme un enrichissement, une opérationalité nouvelle, une chance à saisir comme un degré supérieur d’intelligence, une autre étape de l’hominisation - vers l’humanisation ?

J’ai placé cette réflexion dans le cadre des « contradictions organisationnelles ». Mais elle pourrait tout aussi légitimement s’inscrire dans le thème des « contradictions intra-psychiques » ou dans celui des « contradictions interpersonnelles », parce que les unes entraînent ou redéfinissent forcément les autres, puisque l’intrication des niveaux de paradoxe détermine désormais un éco-système professionnel complexe.

« Car depuis l’organisation de la cellule et du corps jusqu’à la construction de la personnalité et des organisations sociales, on constate que chaque détail de fonctionnement interagit au sein de systèmes très vastes. » (Jacques MIERMONT, L’expérience psychothérapeutique de l’interdisciplinarité dans les arcanes de la complexité des sciences de l’homme)

Je commencerai par énoncer quelques-unes des contradictions notoires qui affectent le monde du travail en le rendant tellement chaotique qu’il est difficile de s’y maintenir pour un Responsable ... responsable, car ses réponses lui ont été données par une logique qui seyait à un fonctionnement linéaire et non complexe.

Ensuite, je citerai quelques-unes des attitudes semblant convenir à la complexification professionnelle, qui ne sont pas des prescriptions -au sens médical : à suivre absolument- mais des tâtonnements conceptualisés d’après expérience, des heuristiques plutôt.

En conclusion, j’inviterai dans une visée optimiste de l’évolution humaine, à traiter le paradoxe comme une chance à saisir, une opérationalité nouvelle nous conduisant vers l’humanisation, étape supérieure de l’hominisation ainsi que le suggère Edgar MORIN dans le dernier tome de la Méthode.

Le paradoxe comme un système chaotique

« Familles et sociétés sont le siège de nombreuses contradictions, voire de véritables

paradoxes, biologiques et symboliques, pathologiques et créatifs » (J.MIERMONT, ibid)

« Est-ce urgent ? » m’enquéré-je régulièrement auprès de mes donneurs d’ordre, dans un reliquat d’esprit de contradiction et d’humour anarchique de 3 ème degré...

La réponse est immuablement indignée : « évidemment !».

Ainsi, d’urgence en urgence, le rythme s’emballe, en faisant disparaître les espaces de réflexion, de recul, les « silences » musicaux.

Je citerai l’anecdote - comique si elle ne recouvrait la souffrance d’un cadre- d’un Chargé de communication sortant du bureau d’un Directeur qui venait de lui confier la réalisation d’une plaquette d’information. Au moment où il arrive dans le sien quelques minutes après, décrochant le téléphone insistant, il s’entend demander par l’homme qu’il venait de quitter : « Alors, c’est fait ? » ! Le cadre en question, pris de fureur, hurla dans les couloirs à l’attention de tous, son incompréhension d’un système qui le trahissait, alors qu’il l’avait si bien servi en entrant dans cette spirale d’accélération, toujours plus d’efforts pour aller plus vite, plus loin, plus fort...

Ce cadre, comme tant d’autres, était rattrapé par le paradoxe des échelles différentes voire contradictoires auquel nous sommes confrontés : ici, c’est le télescopage entre l’urgence et l’espace temporel minimum qui nous est nécessaire pour penser et faire. Quelle construction humaine peut durer sans durée ? Il faut toujours -à peu près- le même temps à l’esprit pour acquérir des compétences, pour tirer savoir de l’expérience ou pour faire avec les autres, c’est-à-dire pour construire.

Quelle entreprise humaine peut s’auto-alimenter si les hommes, les programmes, et les finalités ne répondent qu’à l’urgence et son corollaire, le court terme ?

L’un des écueils de la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences réside sans doute là : quel lien fort existe-t-il entre la durée d’acquisition des compétences -pour une entreprise et/ou un individu- et leurs désirs -voire fantasmes- de mobilité interne ? Mobilité et urgence ne vont pas de pair, on accélère bien plutôt un système qui porte sa mort.

Autre injonction contraire frappant le monde professionnel : la demande affichée de créativité, alors qu’il la censure. « Nous avons besoin de gens créatifs » titrent régulièrement les annonces d’emploi des grands groupes. Quelques frais émoulus d’Ecoles se ruent naïvement dans cette voie... pour s’entendre, dès le premier entretien de recrutement, demander de justifier sérieusement le moindre petit accroc dans leur parcours les éloignant du formatage, de plus en plus réducteur d’humanité, que cautionnent les chargés de recrutement de tout poil. « Toute vérité naît malgré l’évidence » pourrait rappeler Bachelard à ces petits censeurs, gardiens d’un ordre qu’ils desservent... (in La formation de l’esprit scientifique). Mais les règles sont tellement peu claires entre 2 discours, que là aussi les décisionnaires, ne sachant auquel prétendre et se référer, choisissent (?) l’absence de choix. D’où les processus sans fin (ni finalité ?) de certains recrutements à priori « urgents »...

On pourrait citer d’autres exemples de télescopage d’échelles, telle la superposition des projets aux finalités souvent incompatibles pour l’individu : projet d’établissement, projet de service, projet de formation, projet de réorganisation, projet de vie... constituant un empilement de logiques hélas cloisonnées entre elles par des ressources, des décideurs, des temps et des espaces non reliés à une démarche plus globale, et ne disposant pas de cette continuité, cette ténacité nécessaire à l’aboutissement du projet.

On retrouve ce divorce entre factualité et globalité dans le travail social. Ce que commande l’Institution ( Mairie ou Conseil général) est de l’ordre du très court terme, sous prétexte que le problème se situe dans l’urgence : le travailleur social doit fournir une réponse factuelle, telle qu’une aide financière, un logement, une hospitalisation, etc. Mais ce que demande un RMIste ou un SDF appelle une réponse globale : la compréhension de son système de structuration/déstructuration. C’est aussi à cette demande que veut satisfaire le plus souvent le travailleur social, mais on l’aura compris, une réponse factuelle est plus visible dans une politique électorale...

Nombre de contradictions aboutissent à un divorce éthique, difficile à vivre pour la plupart d’entre nous - enfin je l’espère !- On demande en effet toujours aux décideurs d’afficher une décision honnête, dans l’exercice de leurs fonctions. Mais comment soutenir des décisions ou actions qui sont de l’ordre de la tricherie, de l’abus de biens sociaux, voire du mensonge ? Je pense à l’un de nos grands avionneurs français payant des ingénieurs pour pirater certaines informations des agences de voyage... Comment un cadre vit-il ce projet quand une grande entreprise française l’a recruté pour -et vérifié- sa bonne moralité, quand on lui a fait signer une clause de non concurrence ? !

Je reprendrai l’illustration de notre contradiction sociale profonde qu’en fait Edgar MORIN : notre société est soumise à deux hélices contradictoires, qui ont toujours été présentes. « L’avenir va se jouer dans la dialogique entre la première hélice désormais animée par le quadrimoteur [science-technique-industrie-économie] et la seconde animée par des idées d’universalisme et de solidarité. » (in L’Identité humaine)

De même peut-on voir s’affronter deux types de pensée différentes au sein de nos contradictions: l’une rationnelle, le « logos », celle avec laquelle ont été formatés les décisionnaires actuels, car elle préside toujours comme méthode unique à nos apprentissages ; et l’autre qui a existé ici et là, « le muthos » qui réintroduit le mythe, l’intuition, la pensée associative, le mystique, la poésie, mais qui a été éliminée par la première depuis plusieurs siècles.

Il en résulte essentiellement une difficulté de réponse pour la logique décisionnaire régnante : on croit devoir produire à tout prix de la décidabilité, alors que la société complexe que l’on a engendrée demandera de plus en plus d’agir dans l’indécidabilité. (« Les systèmes qui sont indécidables peuvent être considérés comme complexes comparés à ceux qui sont déterministes » H.A. SIMON ( in Science des systèmes, sciences de l’artificiel)

On pourrait également rapprocher cette explication de l’approche freudienne de l’éternel combat entre Eros, le grand rassembleur, et Thanatos, la pulsion d’agression et d’auto-anéantissement : « Les hommes sont maintenant parvenus si loin dans la domination des forces de la nature qu’avec l’aide de ces dernières, il leur est facile de s’exterminer les uns les autres jusqu’au dernier. Ils le savent, de là une bonne part de leur inquiétude présente, de leur malheur, de leur fonds d’angoisse. Et maintenant, il faut s’attendre à ce que l’autre des deux « puissances célestes », l’Eros éternel, fasse un effort pour s’affirmer dans le combat contre son adversaire tout aussi immortel. Mais qui peut présumer du succès et de l’issue ? » ( in Le Malaise dans la culture ; la dernière phrase a été rajoutée par Freud dans la seconde édition de 1931, soit après l’entrée en masse des nazis au Reichtag)

Oui, cette accumulation de paradoxes comme autant d’affronts à notre logique et notre confiance, pourrait bien apparaître comme une menace, une boucle dernière de notre civilisation. Ou alors, comme à chaque fois qu’une espèce connaît une déviance de ses processus, « une catastrophe... OU UNE MUTATION ? »(E.MORIN, ibid )

Le paradoxe comme un système cahoteux

« C’est le paradoxe suprême de la pensée que de vouloir découvrir quelque chose qu’elle ne peut penser » (Kierkegaard)

Si je ne présume pas de la fin, bien évidemment, je postule tout de même pour une mutation. Je vois dans cette société qui perd ses repères, ses régulations et ses intentionnalités, un défi posé à notre esprit et à notre espèce : saurons-nous accepter comme priorité un nouveau paradigme, s’éloignant du paradigme de simplification « qui privilégie les démarches de réduction, d’exclusion et de disjonction et considère toute complexité comme apparence superficielle et confusion à dissoudre » (E.MORIN, ibid) ?

Là encore, la contradiction n’est pas linéaire, elle se présente bien plutôt à nous comme une succession de cahots rendant le « chemin montant, sablonneux, malaisé » (Le coche et la Mouche), même si franchir l’obstacle du temps de La Fontaine ne s’accompagnait pas des mêmes périls pour l’humanité. De cahots qui sont peut-être autant de « bifurcations » prigoginiennes faisant avancer l’espèce au hasard des mutations. Je renvoie aussi à Ervin Laszlo et à la représentation du Club de Budapest de ce qu’est un « virage global » de civilisation : « un processus d’évolution sociétale au sein duquel l’atteinte des limites de stabilité du système provoque une bifurcation, c’est-à-dire une ère de transformation. (... )

Dans les sociétés humaines, il est possible de gérer ces fluctuations en toute conscience. En notre qualité de consommateurs, de clients, de contribuables, de citoyens, et parce que nous représentons l’opinion publique, nous créons les fluctuations qui décideront du dénouement de notre virage global. »(in Virage global). Notre espèce en a connu quelques-uns, qui peuvent augurer de son adaptabilité

Un certain nombre d’expériences tâtonnantes, illustrant ce nouveau paradigme ont néanmoins pris corps.

Je pense à la subsidiarité, que l’on pourrait traduire par « le partage négocié des pouvoirs ». Si elle a commencé d’exister dans le système de fonctionnement européen - une expérience unique, et nouvelle donc, de fonctionnement global qui nous oblige à développer des représentations nouvelles, par conséquent d’autres réponses - de façon encore imparfaite, elle n’a que peu pénétré le monde de l’entreprise, où on l’évitera tant qu’on le pourra et tant qu’une mutation (ou une catastrophe ?) n’aura pas modifié l’emprise du paléocéphale et sa soif de pouvoir sur les autres... Pourtant, l’espace de négociation et de partage des décisions tant globales que locales s’impose désormais dans une action concertée à l’échelle de l’Europe, et plus encore au niveau mondial. Notamment dans des décisions influant sur l’avenir de l’humanité, tels que le clonage ou les OGM : on a vu récemment (décembre 2002) que les comités d’éthique ne suffisent pas - n’ont pas le poids politique nécessaire ? - au consensus ; sans doute faudrait-il instaurer des comités de citoyens pour « faire prendre la décision par l’échelon le plus bas capable de les mettre en oeuvre » (définition de la subsidiarité donnée par Erwin LASZLO, ibid).

Depuis le milieu du XXème siècle, avec le développement de la systémique, tout le monde connaît l’importance des interactions, des rétroactions, modifiant les systèmes dans leur genèse même. Mais la société professionnelle n’a pas réellement encore tiré toutes les conséquences des découvertes sur les échanges microcellulaires. Quelques-uns pourtant prônent la reliance (contre la disjonction qui a animé notre pensée jusqu’alors) et la contextualisation ( « toute action dépend des intentions de l’acteur et des conditions propres au milieu où elle se déroule ») pour mieux appréhender la complexité des liens qui nous tissent et nous redéfinissent sans cesse : « L’esprit émerge ainsi de multiples trames et circuits

qui mettent en relation une personne, ses systèmes fonctionnels et organisationnels, et son milieu de vie. Il surgit de ce qui relie la personne, le couple, la famille, l’entreprise, la société et l’humanité entière à l’écosystème planétaire. » (J.MIERMONT, ibid).

Reliance devenue récemment plus ostensiblement nécessaire pour lutter contre un danger diffus tel que le terrorisme. Mais pour sortir de l’écueil habituel et toujours recommencé de l’agression ( « il est toujours possible de lier les uns aux autres dans l’amour une assez grande grande foule d’hommes, si seulement il en reste d’autres à qui manifester de l’agression » FREUD, ibid), il faut passer à « une politique de civilisation à opposer au choc des civilisations » (E.MORIN, Le Monde du 22/11/01). Politique de civilisation ne pouvant s’installer qu’avec un élargissement de notre conscience. Si beaucoup adhèrent à l’idée, peu vont jusqu’à la vivre ; pourtant comment concevoir une conscience commune de nos intentions quand d’un service à l’autre, on en est encore au « narcissisme des petites

différences » (FREUD, Psychologie des masses et analyse du moi) ? Reliance et contextualisation engendrent évidemment plus de complexité...

Mais jamais une simplification ne résoudra un problème complexe : « Pourquoi faut-il toujours diviser un problème en autant de parcelles qu’il se pourrait ? Si méthode il y a, elle sera celle de l’ingéniosité, de la ruse, du tâtonnement : construire dans sa tête, et jouer avec ces fugaces modèles faits de symbole, méthode moins dangereuse que celle qui nous invite à réduire « tout être et tout objet » à leurs plus simples expressions ! Le chemin se construit en marchant et la méthode est dans la façon de marcher (... ) : en un mot modéliser, modéliser encore, modéliser toujours, intentionnellement, sans fuir la complexité et en se souvenant que le territoire souvent, devient la carte qu’on en dresse. » (Jean-Louis LE MOIGNE, Le Constructivisme, T.1).

La modélisation, donc, reste, en situation complexe, comme le meilleur outil de balisage, de repères, constructeur de représentations qui à leur tour, reconstruiront la modélisation première. Exercice d’intelligence sans fin, parce qu’aux finalités toujours mouvantes, tout comme la réalité que nous poursuivons... On imagine mal comment on pourrait ne plus multiplier les acteurs et les niveaux de décision dans l’entreprise, comme dans la société qu’elle reflète, et donc amplifier sa complexité de fonctionnement. Par conséquent pourquoi s’acharner à vouloir réduire cette complexité pour la « résoudre » ? Une nouvelle logique ne peut naître que de nouvelles représentations ( répare-t-on un Airbus avec un vétérinaire comme au temps de l’énergie animale ?) mais virage global oblige, l’accélération nous bouscule au point de nous mettre en péril, et la peur de l’indécidable nous fait refuser l’indécidabilité, qui est pourtant déjà notre évidence.

Aussi ne peut-on répondre aux défis complexes qu’avec une « stratégie tâtonnante » ainsi que la définit Marie-José AVENIER : « La stratégie n’a d’intérêt que « chemin faisant » et ne saurait se satisfaire de la prévision et du programme. Elle est volonté et capacité sans cesse réaffirmée de construire du sens, des degrés de liberté, des capacités, fût-ce au prix d’un réassortiment des buts et, naturellement, des voies et moyens » ( La stratégie chemin faisant), proposition assez peu suivie des stratèges positivistes opérant en majorité dans l’entreprise française... Au niveau des « outils », puisque l’époque en revient toujours à valider des outils pour valider un concept, on peut citer l’exemple de l’Alliance pour un Monde Responsable et Solidaire, Fondation qui a décidé d’inventer ses méthodes complexes de fonctionnement, à travers son Président, Pierre CALAME : « pour identifier les défis, nous avons commencé par des fiches de suivi, puis nous nous sommes aperçu que les mots-clés qui revenaient étaient complètement transversaux à ce que nous discutions sur l’habitat, l’emploi, le développement

5.local, l’aménagement rural, etc. L’identification des mots clés est devenu un repère essentiel de l’action de la Fondation : ce fut un produit décisif d’un processus apprenant. » (in Ingénierie des pratiques collectives, ouvrage collectif)

Un dernier aspect me semble tout à fait primordial pour mieux vivre dans notre société complexe : faire émerger une éthique planétaire, des règles communes à cet élargissement spatial de la conscience. Le clubs de Budapest propose de substituer au principe libéral maintenant dangereux pour l’espèce : « Vivre et laisser vivre », un énoncé moral plus viable pour notre planète : « Vivre de façon à laisser vivre les autres » (les autres englobant toutes les espèces, humaines, animales et végétales qui forment le tissu vital de la planète), et Ervin Laszlo explique pourquoi seules les entreprises responsables ( c’est-à-dire respectueuses des hommes, de l’environnement et des liens élargis) auront un développement durable, et donc des chances de survivre. (in Virage global)

Conclusion

« Ne remettez jamais en question la capacité d’un petit groupe de gens à transformer le monde. Rien d’autre n’y est jamais parvenu. » Margaret Mead

Tout cela peut sembler bien utopique... et beaucoup ferment leur esprit a priori, à cause de la dissemblance avec le passé, ou avec ce qu’ils auraient envie d’entendre. Rationalisation, dira-t-on, nécessaire à la survie du collectif... mais aussi anéantissement du collectif :« la rationalisation est la maladie spécifique que risque la rationalité si elle ne se régénère constamment par auto-examen et autocritique » (E.MORIN, ibid)

Je vois bien plutôt ce paradoxe géant qu’est devenue la société professionnelle comme un indice, certes, de « virage global », mais aussi comme une chance de survie : cette bifurcation que nous avons commencé de vivre peut se solder par un degré d’intelligence supérieure, un autre exemple de notre adaptation extraordinaire à un environnement différent. C’est peut-être la chance de franchir une étape supplémentaire vers l’hominisation, vers l’ « Eros éternel » de notre visionnaire Père Freud ?!

Bibliographie

  • La Stratégie chemin faisant, Marie-José AVENIER, Economica, 1997
  • Ingénierie des pratiques collectives, sous la direction de Marie-José AVENIER , l’Harmattan, 2000
  • Le Malaise dans la culture, Sigmund FREUD, Quadrige/PUF, 1995
  • Virage global, Ervin LASZLO, Les Editions de l’homme, 2002
  • Le Constructivisme, T.1, Jean-Louis LE MOIGNE, L’harmattan, 2001
  • L’expérience psychothérapeutique de l’interdisciplinarité dans les arcanes de la complexité
  • des sciences de l’homme, Conférence de Jacques MIERMONT publiée dans
  • Ingénierie de l’interdisciplinarité, conférences MCX, L’Harmattan, 2002
  • La Méthode, T.5 : l’identité humaine, Edgar MORIN, Seuil, 2001
  • Sciences des systèmes, science de l’artificiel, Herbert A. SIMON, Dunod, 1991

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