« La rencontre systémique »

Par: Axelle dans Sans Catégorie Posté: il y a 8 ans

« La rencontre systémique »

 Les nouveaux objets flottants : actualisation, méthodologie et modélisation

Marc D’Hondt : thérapeute familial, superviseur, coordinateur et formateur dans le cadre de la formation « Approche Systémique et Pratiques de Réseaux » (WWW.ASPR.BE).

En tant que professionnels de « la relation d’aide, d’assistance ou de services aux personnes…  », nous sommes confrontés de plus en plus souvent à des situations complexes  avec  des détresses individuelles, familiales, sociales ; si pas multiples et nous pouvons nous éprouver des  difficultés ou nous trouver coincés dans la rencontre de ces situations…

Quelle que soit notre fonction – Thérapeute, éducateur, assistant social, psychologue, personnel soignant, avocat, juge, enseignant ou formateur – et quels que soient nos contextes d’intervention, il est indispensable, si pas urgent, de mieux appréhender cette complexité dans laquelle s’inscrit nos interventions.

Nous vous proposons ici de découvrir quelques lignes de force d’une rencontre professionnelle qui s’appuie sur une modélisation systémique.

 

Un modèle ne constitue pas la réalité et comme l’énonce l’adage « la carte n’est pas le territoire »,  cependant il peut faciliter dans une certaine mesure la compréhension de cette réalité.  Il s’agit donc d’une construction élaborée sur base d’autres modèles, notamment de Grégory Bateson, Mony Elkaïm, Jacques Pluymaeckers, Gérard Gigand, Paul Watzlawick, Robert Dilts…. Cette construction s’est  enrichie au fil des années, d’une part en confrontant le modèle dans nos pratiques de formation, de supervision et de clinique en thérapie familiale et d’autre part en vérifiant sa validité par rapport aux différents courants théoriques fondateurs dans l’approche systémique.

Nous l’avons intitulé « La rencontre systémique »

 

L'environnement est défini comme « l'ensemble des éléments qui entourent un individu ou une espèce et dont certains contribuent directement à subvenir à ses besoins », ou encore comme « l'ensemble des conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques) susceptibles d’agir sur les organismes vivants et les activités humaines ».

·       Où ? (Lieux, territoires, espaces, frontières…)

·       Qui ? (Les autres êtres présents dans cet environnement, mais aussi  les « tiers-absents » ou les « tiers-pesants » influant dans cet environnement)

·       Quand ? (Temps : passé, présent… Evolution)

·       Quel(le)(s) ? (Objets, énergies, matières, …)

·      

Regardons autour de nous, levons la tête un moment, respirons et écoutons… Tout nous relie à notre environnement, aux lieux qui nous entourent, qui nous sécurisent aussi la plupart du temps. 

Nous traversons ces territoires en oubliant que nous en faisons partie et que nous en sommes totalement dépendants. Et ce qui nous donne cette illusion de ne pas appartenir à  la terre : c’est notre capacité de communiquer.  Nous désignons les choses et les êtres dans notre environnement et nous nous en distinguons.  C’est notre paradoxe d’être humain ; être à la fois en dedans et en dehors, présent et absent au monde qui nous accueille.

Bien sûr, les autres font aussi partie intégrante de l’environnement et des territoires que nous traversons.

Les ressources (disponibles ou non dans l’environnement) sont, par exemple, les matières premières ou sources d'énergies naturelles permettant de subvenir aux besoins d'un être vivant, d'une espèce ou de la société humaine.  Mais elles peuvent être aussi de différents types : ressources humaines, ressources matérielles, ressources financières, ressources informatives, …

 

·       Cette (ces) ressource(s) est (sont)-elle(s) disponible(s), accessible(s), utilisable(s) ou non, dans cet environnement ?

·      

Toutes les ressources auxquelles nous avons eus accès ne sont pas nécessairement celles dont nos usagers ont pu disposer. Un environnement familial n’est pas l’autre,  et nous savons combien certains manques peuvent conduire à la détresse.

 

Le comportement d'un être vivant et, plus généralement, de tout autre système est la partie de son activité qui se manifeste à un observateur. Le comportement peut être décrit comme l'ensemble des actions et réactions (mouvements, modifications physiologiques, expression verbale, etc.) d'un membre du système dans une situation donnée.

 

·       Qu’est-ce qui est fait ? Qu’est-ce qui est dit ?

·       Quels mouvements, gestes, mimiques ou postures ?

·      

 

Dans la synchronicité de la rencontre, le moindre élément comportemental, verbal ou non, est porteur de communication.  Nous verrons plus loin que nous ne pouvons tout appréhender de ce qui ce passe à chaque instant, cependant il est essentiel de rester ouvert à tout ce qui ce passe et particulièrement aux redondances comportementales explicites. Celles-ci nous donnerons des pistes utiles pour découvrir les règles implicites,  fonctionnelles ou dysfonctionnelles,  qui participent à la régulation du système.

 

Les compétences sont les capacités d'une personne, d’une équipe, d’une organisation fondées sur l’expérience ou la formation.

 

·       Quelles sont les compétences mises en œuvre et par qui ?

·       Comment ?

·       Quels processus ?

·       Avec quels objectifs ?

·       Quelles redondances ? Quels isomorphismes ? (dans le temps, dans l’espace, dans l’organisation, dans la structure)

·       Quels fonctions et  le rôle de chacun ? ([re]production/réalisation de services, information, contrôle, régulation, coordination, organisation, évaluation, évolution)

·       Quels sont aussi les « ratés », les dysfonctionnements et comment ils perdurent dans le système ?

·       Quels équilibres et déséquilibres dans les relations complémentaires et symétriques.

·      

 

La croyance est un phénomène universel qui concerne tous les individus, et d'une certaine manière tous les êtres vivants, car pour entreprendre une action, il faut « croire » à la possibilité de sa réalisation. Un individu (ou aussi, pour les êtres sociaux, un groupe) ne conduit pas ses actions selon un processus causal linéaire mais fait des hypothèses sur leurs résultats, lesquelles seront infirmées ou confirmées; en permanence il vérifie ces résultats par les informations en retour qu'il reçoit de son environnement (la rétroaction ou feedback) et ajuste son comportement en fonction de ces informations…

« Le rapport imaginaire aux conditions réelles d’existence » (l’idéologie selon Althusser)

 

·       Quelles perceptions ?

o    incomplétude (perception partielle)
- Qu’est-ce qui est  vraiment perçu, de là où nous sommes?
- Qu’est qui ne peut l’être, de là où nous sommes ?

o    autoréférence (perception partiale)

-  Qu’est que nous filtrons, volontairement ou non, dans ce que nous percevons ?
-  Qu’est que nous privilégions naturellement, psychologiquement, socialement et culturellement dans ce que nous percevons ?

o   indétermination (perception parcellaire)
- Qu’est qui, dans ce que nous percevons,  ne peut-être déterminé, programmé à l’avance ? (équifinalité : la capacité des processus vivants à atteindre le même état final à partir de différents points de départ)
- Qu’est qui, dans ce que nous percevons, émerge du contexte ?

·       Quelles interprétations ?

·       Quelles généralisations sont à l’œuvre ?

·       Certaines croyances sont-elles partagées, encouragées ou disqualifiées ?

·       Quelles cartes pour tel(s) territoire(s) ?

·       Quels « cinémas intérieurs » ou « programmes officiels » ?

·       Quelles « règles implicites » dans le fonctionnement d’un individu ou d’un système humain peuvent être pointées ?

·       Quels changements ont déjà été tentés ?

·       Quels enjeux, ou bénéfices sont escomptés ?

·       Quels « mythes fondateurs », histoire(s), origines, racines, étapes et périodes ?

·      

 

Une valeur est ici comprise comme une norme de conduite, personnelle ou sociale, relevant de la morale ou de l'éthique, de la politique, de la spiritualité ou encore de l'esthétique … (l’amour, l’amitié,  le respect, la justice, la reconnaissance, la solidarité, la beauté, la noblesse, ….).

 

·       Qu’est qui est important et fondamental pour ce système ? (pour moi, l’autre, eux, nous)

·       Qu’est-qui ne peut pas être remis en cause ?

·       … 

 

Si le niveau des croyances touche le champ de la perception, le niveau des valeurs concerne le champ des motivations profondes.  Si l’on peut facilement modifier une croyance lorsque que l’on nous démontre qu’elle est infondée,  il n’en va pas de même avec les valeurs. Effectivement,  ces dernières sont fondatrice de l’identité d’une personne ou d’un système humain, quel qu’il soit.

 

L'identité désigne, en philosophie, la relation d'unité à soi, et soulève le problème des rapports avec les autres et avec le devenir.  En sciences sociales, elle désigne la reconnaissance d'un individu par lui-même ou par les autres. Il n’y a pas vraiment de question qui puisse cerner l’identité d’un individu ou d’un système humain, mais on peut essayer de s’en approcher ;  notamment par la modélisation…

 

·       Quel nom ? Quel intitulé ? Quel objet social ?

·       Quelle originalité ? Quelle singularité ?

·       Qu’est-ce qui est unique chez cet individu ou dans cette organisation ?

·       Qu’est-ce qui est propre, caractéristique … ?

·      

 


L’approche systémique nous invite à sortir de nos chaussures, à nous décaler et sortir de cette place que nous ne connaissons que trop bien et où c’est le « Je » pour ne pas dire l’égo qui s’exprime : c’est la position perceptuelle 1.

Il est question de rencontrer chaque membre du système qui est acteurs dans la situation. Chacun de nos « clients », de nos usagers ; mais aussi, dans la mesure du possible, de rencontrer chacun de nos collègues et des autres professionnels intervenant dans cette situation : c’est la position perceptuelle 2. 

Dans le travail d’affiliation, de « joining » en anglais, d’alliance ou d’apprivoisement pour reprendre le terme privilégié par Guy Ausloos, il nous revient, en tant qu’intervenant de tenter la rencontre aussi avec les personnes avec qui nous avons le moins d’atomes crochus. Ivan Böszörményi-Nagy, fondateur de la thérapie contextuelle invitait à une « partialité multidirectionnelle ».

Dans la troisième position perceptuelle nous tentons de nous mettre dans une place imaginaire qui est la position de retrait, la position méta. Ainsi le thérapeute familial qui,  derrière un miroir sans teint, essaie de comprendre le jeu relationnelle d’une famille.   Il s’agit regarder le système dans son fonctionnement, telle une boite noire ou tel ce petit bonhomme vert tombé d’une autre planète, découvrant deux terriens autour d’un jeu d’échecs qu’il ne connait pas, mais  en prenant le temps suffisant pour observer les déplacements des joueurs finira par en déduire les règles principales.  Les redondances dans les déplacements, les places, les couleurs et les formes des pièces du jeu l’aideront à décoder les forces en présence et la finalité du jeu. C’est la position qui correspond à ce que d’aucuns ont nommé la première systémique.

Mais sans nul doute, il me semble évident qu’en voyant ce petit bonhomme vert les deux joueurs auraient illico stoppé leur partie et détalé à toutes jambes.  SI la P3 est extrêmement utile, elle reste virtuelle car il est impossible de ne pas être impliqué dans le jeu relationnel et que nous sommes engagés dans la partie, que nous le voulions ou non.


Dans la quatrième position perceptuelle, il nous faut découvrir ou reconnaître le rôle et la fonction dans laquelle nous engage le système. Je ne parle pas uniquement de notre fonction officielle, mais aussi des enrôlements qui nous poussent à répondre aux « programmes officiels »  du système.

Dans la rencontre d’un usager, d’une famille en thérapie ou d’une équipe en supervision ou encore d’un groupe en formation et de leur situation particulière, nous partons d’un triple postulat qui porte sur notre capacité à véritablement rencontrer l’autre et qui nous amènera à prendre une position basse et relativement modeste, surtout dans les premiers moments de cette rencontre.

 

 

Premièrement, notre compréhension de la situation que vit notre (nos) interlocuteur(s) ne pourra être qu’incomplète et partielle car de la position, de la place et dans la fonction qui est la notre, nous ne pourrons tout voir.  L’incomplétude signifie que dans l’espace où nous trouvons nous ne pouvons accéder à tout ce que l’autre vit. 

Deuxièmement, nous allons lire cette situation au travers de nos propres filtres qui sont psychologiques, éducationnels, sociaux et culturels et transformer bien souvent involontairement le témoignage de l’autre.

Nous sommes ancrés dans nos « systèmes de références » et nous sommes partiales dans notre compréhension des situations que nous rencontrons!

 

Troisièmement, dans toutes nos pratiques professionnelles nous sommes confrontés à l’indétermination et à l’incertitude, car à chaque instant surgit de la nouveauté, de l’imprévu.   Ainsi, nous pouvons imaginer les plus beaux programmes de réinsertion, de formation ou des protocoles thérapeutiques pointus, nous sommes quotidiennement amenés à travailler avec ce qui émerge de la rencontre.

 

Ce triple postulat nous fait comprendre combien il est vain de vouloir tenir une position haute dans cette rencontre professionnelle et humaine ou de se poser comme l’expert qui amène ses propres réponses sans reconnaître l’intelligence et la compétence collectives déjà présente dans tout le système. (Lire : « la compétence des famille » de Guy Ausloos ).

 


« Du double cercle à l'alliance » 

La méthodologie du « double cercle » s'adapte particulièrement au processus d'intervision. Elle à été développée et évaluée, durant ces 7 dernières années par un groupe multidisciplinaire de formateurs, de thérapeutes et de superviseurs dans des contextes professionnels très variés. 

Etapes méthodologiques :

·       Topologie du système : étymologiquement il est question de l’espace (topos) et du sens (logos)

I

o   Les membres du système

§  Tiers inclus

§  Tiers absents

§  Tiers distants

§  Tiers pesants

o   Les frontières

§  Sous-systèmes

·       Territoires formels

·       Territoires informels

§  La structure

§  Hiérarchie

o   l’évolution, les étapes topologiques (apparition, distanciation et disparition de membres ou de sous systèmes)

o  

·       Les programmes officiels 

o   Par rapport au système lui-même (finalité, enjeux…)

o   Par rapport à la demande d’intervention - définition du (des) problème(s) selon les membres du système…

§  Notamment en ce qui concerne les origines, les sources, les responsabilités…

o  

·       Les règles implicites 

o   redondances et isomorphismes

o    

·       Synchronicité et diachronicité 

·       Hypothétisation systémique 

·       Premières actualisations 

·       Outils d'actualisation systémique :

o   Génogrammes paysagers en transparence... 

o   Et autres objets flottants (La chaise vide, les blasons, le jeu de l'oie systémique, le conte systémique, les masques, les doublages, les sculptures, les faisceaux, bouts de ficelles et territoires, la marelle spatio-temporelle, le fleuve de vie, l’arbre des ressources, le linceul, le totem, Le village systémique dynamique, la roue systémique...) 

·       Circulariser au moyen des objets flottants

 

·       Évaluation et évolution du système d'intervention.

Marc D'Hondt

 


 

 

PROCHAINE FORMATION AUX NOUVEAUX OBJETS FLOTTANTS